Covid 19 : le scandale des médicaments falsifiés contre le coronavirus

Covid 19 : le scandale des médicaments falsifiés contre le coronavirus
Profitant de l’épidémie de coronavirus qui sévit un peu partout dans le monde, de nombreux sites vendant de faux médicaments, des masques contrefaits ou des tests de dépistage falsifiés fleurissent sur Internet. Des grands réseaux criminels aux petits escrocs isolés, les profils sont multiples et les cibles variées. L’OMS tire la sonnette d’alarme.

Une déferlante de produits médicaux falsifiés

C’est une course sans fin : début avril, les forces de l’ordre avaient obtenu la fermeture de 70 sites web illicites vendant de la supposée chloroquine. Mais chaque jour, des milliers de nouveaux sites sont créés, utilisant généralement le nom de domaine Covid 19. Certains vendent des médicaments ou des produits médicaux contrefaits, d’autres ont pour seul but de pirater des données informatiques ou de récolter de l’argent via de faux appels à dons.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) a mis en garde contre les faux médicaments provenant notamment de pharmacies en ligne non autorisées. Dans un communiqué, L’Agence a demandé au grand public de « ne pas acheter de médicaments sur des sites web non autorisés et dautres fournisseurs qui tentent dexploiter les craintes et les préoccupations liées à la pandémie de la maladie Covid-19. »

Après avoir rappelé qu’aucun traitement officiel n’était à ce jour autorisé ni recommandé, l’Agence a recommandé de ne pas acheter de médicaments vendus comme « remèdes ou traitements préventifs » contre le coronavirus, insistant sur le danger que font peser sur la santé les médicaments falsifiés. Pour celles et ceux qui souhaitent malgré tout se fournir en ligne, l’achat doit être fait uniquement auprès de pharmacies enregistrées par les pouvoirs publics des États européens.

De son côté, l’OMS a publié une alerte, après avoir été notifiée de l’arrivée sur le marché de médicaments et de dispositifs médicaux falsifiés. Elle demande à tous, du grand public aux autorités sanitaires nationales en passant par les professionnels de santé et les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, de se montrer extrêmement vigilants face à deux catégories de produits : d’une part les médicaments et les vaccins falsifiés, d’autre part les faux tests et faux produits réactifs utilisés dans le diagnostic du Covid-19.

L’OMS attire tout particulièrement l’attention sur les sites web non réglementés qui dissimulent leurs coordonnées. La vente de produits médicaux est une activité strictement réglementée, de même que son transport, qui doit se faire dans le respect de conditions spécifiques de manutention légère notamment en ce qui concerne les produits thermosensibles qui doivent être conditionnés dans des solutions isothermes.

Des réseaux criminels aux petits escrocs isolés

Fin mars, l’agence européenne de police Europol avait déjà saisi 4 millions de médicaments et de dispositifs médicaux pour une valeur de 13 millions d’euros et arrêté plus de 120 personnes. 37 organisations criminelles avaient été démantelées.

La pénurie de masques crée un terrain favorable à ces arnaques, et les particuliers ne sont pas les seuls à se faire piéger. À Rouen, un grossiste travaillant pour les pharmacies avait passé début mars une commande de gel hydroalcoolique et de masques pour un montant total de 6,6 millions d’euros. Le fabricant était en réalité une société fantôme. La somme versée a été transférée à Singapour, où elle a pu être gelée. Même chose dans les Yvelines, où une société travaillant pour les pharmacies a versé 15 000 euros à un fabricant situé en Inde, sans jamais voir sa commande arriver et sans avoir pu récupérer ce montant.

En France, de nombreux présidents de régions ont choisi de passer leurs propres commandes et beaucoup ont été contactés par de petits producteurs véreux, dont le siège était basé aux îles Caïman, et qui promettaient de fournir des quantités considérables en un délai record. Les collectivités locales sont dans le viseur de ces escrocs, tout comme les hôpitaux, les pharmacies, les EHPAD, voire même les États.

L’Allemagne a récemment été escroquée par des hackers qui avaient cloné les sites de vrais fabricants situés en Espagne, en Irlande et aux Pays-Bas. La commande était considérable : 1,5 million de masques, pour lesquels avaient été réservés 52 camions et une escorte policière afin de récupérer le chargement aux Pays-Bas. 1,5 million d’euros avaient été versés lors de la commande, et 800 000 euros supplémentaires transférés lors de la livraison, soi-disant pour sécuriser le matériel. Livraison qui n’est finalement jamais arrivée…

Interpol a fourni un renseignement qui a permis à la police irlandaise de geler 1,5 million d’euros sur le compte en banque d’une société irlandaise. Les 800 000 euros supplémentaires ont également été retrouvés, juste à temps semble-t-il, puisque 500 000 euros avaient déjà été virés sur un compte situé au Royaume-Uni et devaient être transférés au Nigéria. Deux suspects ont été arrêtés aux Pays-Bas.

Cependant, les escrocs ne sont pas toujours de gros réseaux criminels. Ainsi, un pharmacien de l’Hérault a été interpellé début avril pour avoir vendu, dans son officine et sur son site web, plusieurs centaines de doses d’un mélange homéopathique concocté par ses soins. Ce mélange, qu’il avait appelé « épidémie 19 » était censé aider à lutter contre le coronavirus, de manière préventive et curative. Le pharmacien sera jugé fin juin pour « tromperie sur les qualités substantielles d’une marchandise. »

Le trafic de faux médicaments et produits médicaux est d’autant plus difficile à contrôler qu’il se fait aussi en grande partie sur les réseaux sociaux. En Espagne, selon une étude publiée par la société espagnole Smart Protection, spécialisée dans la lutte contre le piratage et la contrefaçon sur Internet, plus de la moitié de ce commerce illégal se ferait via les réseaux sociaux (à 60 % sur Twitter et à 40 % sur Instagram) et plus d’un tiers via des plateformes de commerce en ligne, le rapport citant notamment les marketplaces de Amazon et Alibaba.

Le rappel des bonnes pratiques par la DGCCRF et la convention Médicrime

La convention Médicrime a été adoptée en 2010 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Cette convention sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique permet de clarifier au niveau international ce qu’est la contrefaçon de produits médicaux et de sanctionner leur fabrication et leur distribution.

Dans le contexte actuel d’épidémie de coronavirus, la convention Médicrime indique aux États membres les mesures à prendre pour lutter contre la contrefaçon et préserver la santé publique. La convention conseille notamment aux États de suivre les recommandations de l’OMS et les directives sanitaires nationales. Elle rappelle également l’importance de surveiller les plateformes en ligne qui proposent des produits médicaux, qu’elles s’adressent aux organismes de santé publique ou aux particuliers.

Par ailleurs, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) rappelle au grand public un certain nombre d’éléments utiles pour échapper aux arnaques qui fleurissent durant l’épidémie, qu’elles concernent les médicaments falsifiés, les faux dons ou les faux services comme la décontamination de logements privés, qui permettent en réalité à des personnes de s’introduire frauduleusement dans les domiciles.

La DGCCRF indique clairement que tout produit ou dispositif prétendant prévenir ou guérir le Covid-19 est une arnaque, puisqu’il n’existe à ce jour aucun vaccin et aucun traitement ayant fait l’objet d’une autorisation officielle. De même, l’État ne fournit pas de « kits de dépistage » directement aux populations. Les kits disponibles sur Internet sont donc nécessairement des faux.

Même chose pour les « kits de confinement » qui sont supposés contenir des masques homologués, du gel hydroalcoolique et d’autres produits médicaux comme les thermomètres. Certains sites se font passer pour des services de l’État et proposent au grand public de bénéficier de ces kits en échange de leurs coordonnées bancaires. La DGCCRF rappelle que d’une manière générale, toutes les annonces promettant des délais de livraison courts sont à considérer avec beaucoup de précaution au vu des difficultés actuelles d’acheminement du courrier et des colis.

Le trafic de faux médicaments touche aussi l’Afrique

Les pays européens ne sont pas les seuls pays ciblés par ces arnaques. De nombreux médicaments falsifiés circulent également en Afrique, notamment la chloroquine, vendue dans des boîtes généralement sans mention du nom du fabricant et ne contenant pas le bon dosage de principe actif. Ces comprimés circulent au Niger, en République démocratique du Congo ou encore au Cameroun. Les personnes en possession de ces produits sont vivement appelées à ne pas les utiliser, et à contacter un professionnel de santé si elles ont déjà consommé ces faux médicaments.

Ces escroqueries se développent d’autant plus vite que dans de nombreux pays africains, les stocks de médicaments sont réduits et le réapprovisionnement est très complexe. Même les producteurs et les fournisseurs officiels de médicaments rencontrent des difficultés, car le prix des matières premières utilisées pour fabriquer les principes actifs flambe de jour en jour. La pénurie d’antipaludiques est doublement problématique en Afrique, car ces médicaments sont massivement utilisés pour prévenir ou traiter le paludisme qui sévit dans de nombreux pays du continent. Un pot de 1 000 comprimés de chloroquine est normalement vendu environ 40 dollars en République démocratique du Congo. Aujourd’hui, certains pharmaciens n’hésitent pas à vendre ce pot pour 250 dollars.

Afin de lutter au mieux contre ce deuxième fléau qui frappe le monde en même temps que le coronavirus, il est donc indispensable que la distribution de tests, de médicaments et, plus tard, de vaccins se fasse de façon coordonnée sur le plan mondial.

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